Contentieux : pas d’entrave du RGPD au droit de la preuve...


https://www.unsa.org/2839

Le RGPD (règlement général de la protection des données personnelles) devient, au-delà des garanties qu’il donne à chaque citoyen d’une préservation de ses informations personnelles, le nouveau prétexte pour les entreprises, pour refuser de s’expliquer ou de rendre des comptes chaque fois qu’il s’agit de comparer ou de justifier de situations personnelles...

Cette décision de la Cour de cassation, sans négliger le RGPD vient apporter sa contribution à l’équilibre et l’articulation entre traitement des données et droit de la preuve...

JURISPRUDENCE SOCIALE

A propos de l’arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 2023 n° 22-13.268

https://www.courdecassation.fr/decision/647838a4bf7113d0f86f704f

Des éléments permettant d’établir une discrimination, même personnels, peuvent être communiqués sur le fondement du droit de la preuve ...

Par cet arrêt en date du 1er juin 2023, la Cour de cassation tranche une problématique relative au droit de la preuve, et particulièrement, lorsque les éléments recueillis permettent de prouver une discrimination.

° DECISION DU JUGE

Il résulte du RGPD, que le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu et doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité. Le présent règlement respecte tous les droits fondamentaux et observe les libertés et les principes reconnus par la Charte, consacrés par les Traités, en particulier le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial. Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé.

Il résulte par ailleurs des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

Il appartient dès lors au juge saisi d’une demande de communication de pièces sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, d’abord, de rechercher si cette communication n’est pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination syndicale alléguée et proportionnée au but poursuivi et s’il existe ainsi un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, ensuite, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée.

° FAITS

31 salariés d’une entreprise de transports routiers exerçant des mandats de représentants du personnel soutiennent, faire l’objet d’une discrimination de la part de l’employeur, en raison de leurs activités syndicales. Ils ont, le 29 janvier 2018, saisi la formation des référés de la juridiction prud’homale pour obtenir les informations permettant l’évaluation de leur situation au regard de celle des autres salariés de l’entreprise étant dans une situation comparable.

° PROCEDURE

Le Conseil de prud’hommes, comme la Cour d’appel de Chambéry le 7 décembre 2021, sont allés dans le sens des salariés, en ordonnant à la société de communiquer de très nombreux éléments concernant les salariés en situation comparable, tenant notamment à l’état civil, l’ancienneté, la qualification, la classification, le coefficient (sur plusieurs années), et d’autres informations relatives à l’embauche et la paie, sous forme de tableau récapitulatif et sous astreinte.

La société a formé un pourvoi en cassation car selon elle la Cour d’appel n’a pas constaté d’éléments de fait de nature à caractériser l’existence d’un litige potentiel entre les parties, ce qui rend inapplicable l’article 145 du code de procédure civile sur lequel elle se fonde.

De plus, elle a demandé la communication d’éléments n’ayant pas directement à voir avec le litige, et elle n’a pas expliqué en quoi ils étaient indispensables à la protection des droits des demandeurs et proportionnée au but poursuivi. La transmission de ces éléments posant problème vis-à-vis du RGPD pour elle.

La question qui se pose dans ce cas est de savoir dans quelle la Cour d’appel est elle fondée à demander des éléments personnels sur des salariés dans le but d’établir ou non une discrimination.

° ECLAIRAGES

Pour la Cour de cassation, le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu et doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité.

De plus, selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé.

Également, selon les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

En l’espèce la Cour d’appel avait des éléments lui permettant, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, d’estimer que la demande des salariés reposait sur un motif légitime de conserver ou, d’établir avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige (notamment des salariés exerçant des mandats syndicaux ayant des progressions de carrière lentes). Donc qu’il fallait pour elle, apprécier si tous les éléments de preuve demandés par les salariés étaient indispensables et si l’atteinte ainsi portée à la protection de la vie personnelle des salariés concernés par la comparaison était proportionnée au but poursuivi.
La Cour de cassation a donc rejeté le pourvoi.

° FONDEMENTS JURIDIQUES DE LA DECISION ?

Dans ce cas d’espèce, l’argumentation juridique est basée d’abord sur l’article 145 du Code de procédure civile qui prévoit que tout intéressé peut, en cas de motif légitime, demander, sur requête ou en référé, que soient ordonnées les mesures d’instruction nécessaires à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

Mais également, sur les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, pour dire que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

° DROIT EN ACTIONS

La Cour de cassation s’est prononcée à plusieurs reprises pour affirmer que les juges puissent accéder à la demande du salarié visant la communication de documents permettant une comparaison avec certains collègues (Cass. Soc, 19 décembre 2012 n° 10-20.526). Plus récemment encore dans le cadre d’une inégalité de rémunération entre une femme et ses collègues masculins, en se basant comme dans notre arrêt, sur l’article 145 du CPC (Cass. Soc, 8 mars 2023 n°21-12.492).

Auteur, Louis BERVICK, Juriste en droit social, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.

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