Les pièges à éviter pour demander la nullité d’un accord collectif


https://www.unsa.org/3218

La Cour de cassation demeure régulièrement saisie pour des contestations d’accords collectifs, ce qui révèle les zones d’ombres encore présentes autour de ce contentieux.

FOCUS : LA NULLITÉ DE L’ACCORD COLLECTIF

° EN BREF

Dans un arrêt du 31 janvier 2024, pourvoi n° 22-11.770, publié au rapport, la Chambre sociale de la Cour de cassation précise les possibilités de contestation d’un accord collectif dans le cadre d’un contentieux individuel, en encadrant les griefs pouvant être soulevés par un salarié par la voie d’exception. Elle considère ainsi qu’il est possible pour le salarié, par voie d’exception, de mettre en cause le non-respect des conditions légales de validité de l’accord collectif, relatives notamment à la qualité des parties signataires, telles que prévues, pour les accords d’entreprise ou d’établissement, par les articles L. 2232-12 à L. 2232-14 du code du travail.

° CONTEXTE DE LA SAISINE

Un salarié a été engagé à temps partiel, en contrat à durée indéterminée, en qualité d’agent de sécurité. Il était soumis en raison d’un avenant à son contrat de travail, à un accord d’entreprise du 1er juillet 2010, qui prévoyait notamment une organisation du temps de travail sur treize semaines.

Le salarié, qui a été licencié pour cause réelle et sérieuse, a saisi la juridiction prud’homale principalement afin de contester son licenciement et de demander la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet. Ainsi, il a, lors de l’appel, invoqué par voie d’exception, l’illégalité de l’accord d’entreprise du 1er juillet 2010, sur la base du défaut de qualité des délégués syndicaux signataires pour signer l’accord collectif, en raison de la fin des mandats des délégués syndicaux signataires au moment de la signature de l’accord.

° L’ANALYSE DE LA COUR DE CASSATION

Tout d’abord, la Chambre sociale valide l’analyse de la cour d’appel qui n’a pas retenu la forclusion instituée par l’article L. 2262-14 du code du travail, puisqu’en effet le délai de deux mois qui encadre toute action en nullité de tout ou partie d’un accord collectif, à peine d’irrecevabilité, n’était pas applicable. En effet, au-delà du délai de deux mois, un salarié, au soutien d’une exception d’illégalité d’un accord collectif, ne peut certes pas invoquer un grief tiré des conditions dans lesquelles la négociation de l’accord a eu lieu, mais il peut invoquer à l’appui de cette exception le non-respect des conditions légales de validité de l’accord collectif, relatives notamment à la qualité des parties signataires, telles que prévues, pour les accords d’entreprise ou d’établissement, par les articles L. 2232-12 à L. 2232-14 du code du travail. L’exception d’illégalité soulevée par le salarié était donc bien recevable.

En revanche, la Chambre sociale casse l’arrêt de la cour d’appel, puisqu’elle déclare l’accord collectif valide. En effet, lors d’un recours en nullité contre un accord collectif, la Chambre sociale rappelle l’importance d’apprécier la conformité de cet accord au regard des dispositions légales et réglementaires en vigueur lors de sa conclusion.

En l’espèce, pour la signature de l’accord collectif du 1er juillet 2010, les mandats des délégués syndicaux n’avaient pas pris fin malgré la tenue des élections professionnelles quelques semaines auparavant. L’article L. 2232-12 alinéa 1 du code du travail, au moment de la signature de l’accord, ne fixait pas la fin des mandats des délégués syndicaux au jour du premier tour des élections professionnelles.

La Chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 22 septembre 2010 (Soc., 22 septembre 2010, pourvoi n° 09-60.435) avait jugé que le mandat de délégué syndical prenait fin lors du renouvellement des institutions représentatives dans l’entreprise et qu’ainsi, le délégué syndical devait être de nouveau désigné après les élections professionnelles.

Puisque cette jurisprudence est postérieure à l’accord du 1er juillet 2010, sa solution n’est pas applicable à l’accord. Dès lors, les mandats des délégués syndicaux étaient toujours valables au moment de la signature de l’accord et de fait, l’accord n’encourt pas la nullité en raison du défaut de qualité des délégués syndicaux signataires.

° ÉCLAIRAGES

La Chambre sociale de la Cour de cassation délivre plusieurs précisions par ce contentieux.
Elle confirme qu’au-delà du délai de deux mois, un salarié peut toujours invoquer le non-respect des règles de validité d’un accord collectif par la voie de l’exception, dans le cadre d’un contentieux individuel. En effet, l’exception d’illégalité peut être soulevée à toute époque, sans condition de délai.
Cependant, au soutien d’une exception d’illégalité, le salarié ne peut pas invoquer un grief tiré des conditions dans lesquelles la négociation de l’accord collectif a eu lieu, telles que la loyauté des négociations.

En revanche, au soutien d’une exception d’illégalité, le salarié peut invoquer le non-respect des conditions légales de validité de l’accord collectif prévues par les articles L. 2232-12 à L. 2232-14 du code du travail, telle que la qualité des parties signataires de l’accord.

Toutefois, même si le salarié peut invoquer le non-respect des conditions légales de validité d’un accord collectif, il ne pourra pas se prévaloir du non-respect d’une condition légale, si à la date de conclusion de l’accord, ce non-respect n’était pas établi par les textes ou par la jurisprudence.

° DROIT EN ACTIONS

Bien que le code du travail enferme l’action en nullité d’un accord collectif dans un délai de deux mois, cette règle n’empêche pas les salariés d’invoquer au cours d’un contentieux individuel la nullité d’un accord collectif. Les salariés ne sont ainsi pas privés de recours face à un accord illégal.
De plus, le salarié peut invoquer, par voie d’exception, le non-respect des conditions légales de validité de l’accord collectif prévues par les articles L. 2232-12 à L. 2232-14 du code du travail mais, il doit avant tout prendre garde à la date de conclusion de l’accord collectif avant de lancer une contestation, au risque de se retrouver débouté.

Auteur, Jade EL MARBOUH, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.

juridique@unsa.org

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